Le Smart Home : la déferlante des box énergie

Dans les années 90, la domotique fut annoncée comme une véritable révolution : l’ampleur des promesses n’eut d’égale que la déception des consommateurs. Mais l'exacerbation des préoccupations environnementales et l'émergence d'une nouvelle génération du réseau électrique – le smart grid – ont donné naissance au déploiement grand public de services aux particuliers autour du concept de smart home. En effet, alors que la plupart des fournisseurs de gaz et d’électricité se livrent une bataille sans merci autour des prix, certains énergéticiens développent des offres dédiées au smart home et témoignent ainsi de leur volonté de se différencier sur un marché concurrentiel où le produit commercialisé – l’énergie – est banalisé. Unifiant les technologies de la télécommunication, de l'informatique et de l'énergie, le smart home accélère la convergence intersectorielle et permet aux habitants de maîtriser leur consommation énergétique et d’interagir avec leurs équipements. Cependant ces nouvelles offres de smart home, principalement déclinées sous forme de "box énergie", permettent-elles véritablement de répondre aux préoccupations écologiques et budgétaires des consommateurs ? Quelles sont les promesses qui suscitent réellement l'adhésion des utilisateurs ? Et ces promesses sont-elles profitables pour les sociétés de services aux particuliers ?

Le schéma ci-dessous représente un exemple de fonctionnement d'une box énergie installée chez un client :


D’un point de vue fonctionnel, la plupart de ces box offrent aux consommateurs la possibilité de suivre avec précision la consommation énergétique du foyer et de certains équipements en particulier (consommation électrique le plus souvent, mais aussi consommation de gaz naturel ou d’eau). Elles exploitent tous les terminaux – télévision, ordinateur, smartphone, tablette, etc. – pour restituer l’information et permettre, à l’instar de la domotique, le contrôle de certains équipements comme le chauffage, l’éclairage ou la climatisation.

Des acteurs issus d’horizons très divers

En impliquant différentes technologies dans son développement, le smart home suscite l’intérêt de nombreux grands groupes et start-up, qu’ils soient fournisseurs d’énergie, équipementiers électriques, opérateurs télécom ou encore spécialistes des NTIC et de la domotique. Il représente un relais de croissance et de différenciation mais reste néanmoins difficile à valoriser comme en témoignent par exemple les récents échecs de deux logiciels spécialisés dans le suivi de la consommation électrique : Google PowerMeter et Microsoft Hohm. Ayant fait face à un rapide désintérêt des consommateurs, les deux géants de l’informatique – Google et Microsoft – ont renoncé à développer davantage leurs solutions de maîtrise de l’énergie. Ces dernières ont été tout simplement abandonnées depuis 2011 et ne sont aujourd’hui plus utilisables. 

Au-delà de ce manque d’intérêt, il est probable que certains consommateurs n’aient pas souhaité qu’une entreprise telle que Google, déjà très présente dans leur quotidien, dispose d’informations relatives à leur consommation énergétique, d’autant que la gestion des données personnelles a pris de plus en plus d’importance depuis les nombreuses polémiques soulevées par le développement des réseaux sociaux. La société de Mountain View n’a pas souhaité insister car elle semble avoir pris conscience de sa propension à se disperser. Elle entreprend aujourd’hui une véritable stratégie de recentrage en rassemblant ses efforts autour de ses produits phares tels que Google+ et Android. Les raisons de l’échec de Microsoft sont visiblement similaires. 

Mais si la menace des géants de l’informatique semble désormais retombée, les fournisseurs d’énergie ont-ils pour autant une place ?

S'allier pour innover

Plutôt que de développer des services énergétiques très spécialisés comme le PowerMeter de Google, les grands opérateurs tels que GDF SUEZ ou Bouygues Telecom n’hésitent pas à sceller des alliances stratégiques avec des acteurs complémentaires – issus des télécommunications, du BTP ou de l’informatique – pour proposer des offres multi-services par l’intermédiaire de box intelligentes. Ces box sont directement raccordées aux compteurs d’électricité et de gaz et permettent de véhiculer les informations entre les différents équipements de la maison. La complémentarité des partenaires alliés permet la conception de box innovantes sur le plan technologique et marketing mais aussi une réduction des coûts à différents niveaux de la chaîne de valeur du produit (logistique, fabrication, communication…).

On compte principalement cinq box françaises sur ce marché émergent :

Société(s)
Box
Bouygues Telecom et Ijenko
Bbox (Ijenko inside)
GDF SUEZ et EPS
DolceVita ZenBox
Voltalis
Bluepod
Edelia (Groupe EDF)
Energy Box
Domtis
Dombox
Source : Sia Conseil

Contrairement aux services qu’avaient proposé Google et Microsoft, ces box ne se limitent pas à un suivi quotidien de la consommation d’énergie et proposent des services supplémentaires comme l’envoi par internet de conseils personnalisés pour réduire sa consommation mais aussi divers dispositifs de surveillance et d’alertes : détection des fuites d’eau, du gel des canalisations, de l’ouverture des portes ou fenêtres, télésurveillance par caméra et détecteurs de mouvement, etc. Enfin, certaines offres permettent – ou permettront – le pilotage à distance de certains appareils électriques via les terminaux du client.

De la difficulté de fidéliser les clients

A l’heure actuelle, le nombre de consommateurs propriétaires de box énergie reste relativement marginal et ne concernent quelques centaines d’utilisateurs. Malgré leur volonté de proposer des offres multiples et diversifiées, les fournisseurs d’énergie ne parviennent pas à exploiter le potentiel du marché et semblent eux aussi confrontés à un manque d’enthousiasme des consommateurs, comme ce fut le cas pour Google ou Microsoft. Une fois passé le stade de la curiosité, les utilisateurs se lassent et les abonnements ne sont par conséquent pas reconduits.

De nombreuses raisons peuvent être évoquées. La majorité des consommateurs ne semble pas concernée par la notion d’éco-citoyenneté. En ce sens, la promesse d’un habitat plus respectueux de l’environnement, même si elle est adhérée par tous, est loin d’être suffisante surtout quand il s’agit de payer pour un service supplémentaire. C’est d’abord et avant tout l’aspect budgétaire qui prime. Aujourd’hui, les particuliers ne sont pas près à débourser plus de quelques euros pour des services purement pédagogiques dédiés à la maîtrise de l’énergie du foyer. Le bénéfice qui devrait être mis en avant est la possibilité concrète de réduire sa facture d’énergie de manière significative. Ce bénéfice est d’autant plus pertinent que la crise se prolonge et que le prix de l’énergie est voué à croître sensiblement durant les prochaines années.

Mais quelles sont les fonctionnalités qui permettent actuellement de réduire la facture du consommateur ? Ces dernières sont-elles également avantageuses pour les fournisseurs d’énergie qui dégagent justement des profits de la consommation des ménages ?

Réduire sa facture en soulageant le réseau électrique

Ainsi, la réponse au besoin profond des consommateurs résiderait dans les dispositifs ou des fonctionnalités permettant de réduire pragmatiquement le montant de leur facture. Au-delà des conseils élémentaires et autres éco-gestes génériques, certains d’entre eux permettent par exemple de décaler automatiquement dans le temps le lancement d’appareils électriques (ex : machine à laver) afin d’attendre les plages d’heures creuses où le prix de l’énergie est plus attractif. 

L’autre fonctionnalité la plus étudiée – et qui devrait bientôt faire partie intégrante des box décrites plus haut – réside dans la gestion de l’effacement diffus. Avoir recours à l’effacement diffus, c’est laisser un opérateur couper automatiquement la consommation de certains appareils électriques du foyer, notamment le chauffage, durant les pointes de consommation électrique. Ces coupures, durant a priori quelques minutes, n’ont pas d’influence sur le confort des consommateurs et devraient permettre de soulager le réseau électrique en réduisant la pointe électrique et en évitant ainsi l’activation de centrales thermiques d’appoint onéreuses et émettrices de CO2. De fait, l’effacement diffus se concrétise dans chaque foyer par une production de négawatts (économie de puissance), qui à l’échelle nationale voire régionale, permettent une réduction significative des coûts d’achats des fournisseurs d’électricité.

L’enjeu pour le consommateur, maintenant « consommacteur », est de savoir quelle est la valeur de ces négawatts et donc le montant économisé sur sa facture d’énergie. Bien que de nombreuses expérimentations d’effacement diffus aient actuellement lieu dans plusieurs régions, aucune donnée chiffrée de valorisation n’est disponible pour le moment. Il reste à espérer que l’effacement diffus s’inscrive véritablement dans une relation gagnant-gagnant pour le fournisseur et le consommateur, en termes d’économies énergétique et budgétaire, ce qui présuppose un réel engagement marketing, ou une contrepartie, de la part des fournisseurs de box. Alors seulement l’effacement diffus deviendra un facteur de différenciation et un moyen de répondre en partie aux enjeux environnementaux des Etats et plus particulièrement de la Réglementation Thermique 2012.

A. Augey

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